Lettre à un president élu
Monsieur le Président.
Le peuple sénégalais vient de vous porter à sa tête ce 25 Mars 2012.
Les félicitations que votre prédécesseur vous a adressées au soir de ce deuxième tour traduisent le caractère éclatant et irrévocable de votre victoire.
Dehors, vos militants et sympathisants sont entrain de célébrer votre succès dans une joie et une allégresse qui rappellent des moments que le peuple sénégalais n’avait plus vécu depuis plusieurs années.
Demandez la rediffusion des images et observez l’espoir qui colore les visages radieux de ces sénégalais ;
En vous donnant le pouvoir, le peuple fait de vous, à partir de ce soir, le porteur de tous ses espoirs de renaissance.
Je voudrais qu’au moment de célébrer votre victoire, il vous plaise bien vouloir penser à cet espoir dont vous êtes investi dépositaire, sans oublier tous les sacrifiés et les sacrifices qui ont jalonné votre route vers le triomphe final, tant vos adversaires n’auront pas toujours fait usage d’armes conventionnelles.
Les familles des victimes des évènements qui ont suivi la validation de la candidature forcée de Maître Abdoulaye WADE seront encore drapées dans leur deuil au moment où, dans quelques jours, vous prêterez serment.
Et aussi longtemps que vous exercerez votre mandat, vous ne devrez jamais les oublier.
Je voudrais également vous faire observer qu’en vous octroyant la victoire, ce soir, le peuple ne fait pas que marquer une rupture d’avec une certaine génération de politiciens.
En vous élisant, le peuple vous demande surtout d’être le Président qui va le réconcilier avec la politique.
Le taux d’abstention remarquable, au cours de ce scrutin doit suffire à vous faire voir l’importance de la frange de populations qui ont boudé la chose politique au moment où, ce soir, vous accédez au pouvoir.
Il vous appartient de les amener à nouveau à y croire.
Je vous confirme que votre temps de grâce sera épuisé au moment où vous prendrez lecture de ces lignes. Peu de temps vous sera accordé, en effet, pour vous attaquer aux secteurs brûlants de la vie sociale qui, toutes, sont des priorités.
Les enseignants et les étudiants risquent d’être les premiers à taper à votre porte, se demandant tous s’il est encore possible de sauver l’année académique. Peut-être qu’ils ne vont même pas patienter dans la salle d’attente, pour peu qu’elle soit remplie par les membres d’autres secteurs de la vie sociale qui viendront y remplacer ceux qui en sont repartis les jours d’avant, emportant une besace de billets de banque remise contre une promesse ferme de les distribuer à des militants qui vont réélire le Président WADE au deuxième tour.
Cette perspective me pousse, du reste, à vous dire que vous avez fort à faire pour restaurer les finances publiques mises à mal par un pilotage dans les dépenses d’Etat régulièrement confondues avec les investissements partisans.
En vous joignant le diagramme de comparaison des prix des denrées de premières nécessités, de l’accession du régime sortant au pouvoir à nos jours, je sais ne rien vous apprendre, tout en pouvant revendiquer de vous mettre le doigt sur les questions qui ne peuvent pas attendre.
Monsieur le Président, je vous demande également de prendre l’impérieuse question de la restauration des institutions comme l’une de vos premières priorités. Elles en ont besoin, un besoin prophylaxique qu’il faudra combler sans délai.
Je termine pour ce soir, en vous demandant d’accorder à toutes ces questions une égale importance, pour une nation sénégalaise qui vous a confié son destin à partir de ce jour et qui, désormais, se donne le droit et toutes les raisons d’espérer.
Aussi longtemps que vous serez au pouvoir, rien ne sera plus important.
Dakar, le 25 Mars 2012
Maître Alassane CISSE